Illustration vibrante du tourisme durable à Mayotte


Le tourisme à Mayotte : enjeux et perspectives post-Chido


Le tourisme à Mayotte : enjeux et perspectives post-Chido

Mayotte, ce joyau français de l’océan Indien, fait face à un défi majeur pour relancer son secteur touristique après le passage du cyclone Chido en mars 2024. Ce phénomène météorologique exceptionnel a profondément marqué le territoire, déjà confronté à des problématiques structurelles complexes. Entre reconstruction des infrastructures, préservation d’un écosystème unique et développement économique durable, l’île au lagon se trouve à un tournant décisif.

Un territoire fragilisé par le cyclone Chido

Le cyclone Chido a frappé Mayotte avec une violence rare, causant d’importants dégâts sur les infrastructures touristiques. Plusieurs hôtels et pensions ont subi des dommages considérables, tandis que certaines plages emblématiques ont été dégradées par l’érosion. Le secteur de la restauration et les prestataires d’activités nautiques ont également été durement touchés.

« Nous avons perdu près de 40% de nos capacités d’hébergement dans certaines zones, notamment sur Petite-Terre et le long du littoral sud », explique Ibrahim Moussa, président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie de Mayotte. « La reconstruction prendra du temps, mais nous sommes déterminés à rebâtir en mieux. »

Les conséquences économiques sont lourdes pour ce territoire où le tourisme, bien que modeste en volume avec environ 60 000 visiteurs annuels avant la crise, représentait un secteur d’avenir pour la diversification économique.

Un contexte touristique déjà complexe avant la catastrophe

Avant même le passage de Chido, Mayotte faisait face à des défis structurels importants pour développer son tourisme. Avec seulement 865 chambres d’hôtel recensées en 2023 selon l’INSEE, l’offre d’hébergement restait insuffisante et peu diversifiée. La connectivité aérienne limitée, avec un coût moyen des billets d’avion élevé, constituait également un frein majeur.

À ces obstacles s’ajoutaient les crises sociales récurrentes et les problématiques sécuritaires qui ont terni l’image de la destination ces dernières années. La crise de l’eau qui a touché l’île en 2023, avec des coupures régulières, a également impacté l’attractivité touristique du territoire.

Le Plan de relance touristique 2024-2026

Face à cette situation critique, l’Agence d’Attractivité et de Développement Touristique de Mayotte (AaDTM) a élaboré un plan ambitieux pour la période 2024-2026. Doté d’un budget de 15 millions d’euros, ce programme s’articule autour de quatre axes prioritaires :

  • La reconstruction des infrastructures endommagées avec des normes anticycloniques renforcées
  • La montée en gamme de l’offre touristique pour attirer une clientèle à plus fort pouvoir d’achat
  • Le développement de l’écotourisme valorisant la biodiversité exceptionnelle du territoire
  • La formation des professionnels pour améliorer la qualité de service

« Notre objectif est de transformer cette crise en opportunité pour repenser notre modèle touristique », affirme Anfane Combo, directeur de l’AaDTM. « Nous voulons positionner Mayotte comme une destination d’exception pour un tourisme durable et responsable. »

Le lagon, atout majeur pour la renaissance touristique

Le lagon de Mayotte, considéré comme l’un des plus beaux du monde avec ses 1 100 km² et sa double barrière de corail, demeure l’atout maître du territoire. Classé Parc naturel marin depuis 2010, il abrite une biodiversité exceptionnelle avec plus de 250 espèces de coraux et 760 espèces de poissons.

Les mammifères marins constituent également une attraction majeure, avec la présence régulière de baleines à bosse de juillet à octobre et une population résidente de dauphins et de dugongs. Cette richesse naturelle offre un potentiel considérable pour le développement d’activités d’observation respectueuses de l’environnement.

« Le lagon a relativement bien résisté au cyclone », précise Mouhamadi Boinahery, directeur du Parc naturel marin de Mayotte. « Certains sites coralliens ont été endommagés, mais la résilience des écosystèmes est encourageante. Nous mettons en place des zones de protection renforcée pour favoriser leur régénération. »

Vers un tourisme plus durable et inclusif

La reconstruction post-Chido s’accompagne d’une réflexion approfondie sur le modèle touristique à privilégier. Les autorités locales et les professionnels s’accordent sur la nécessité de développer un tourisme à taille humaine, respectueux de l’environnement et bénéfique pour les populations locales.

Le Conseil départemental de Mayotte a lancé un programme d’accompagnement des porteurs de projets touristiques issus des villages traditionnels. Cette initiative vise à favoriser l’émergence d’hébergements chez l’habitant, de tables d’hôtes valorisant la gastronomie mahoraise et d’activités culturelles authentiques.

« Le tourisme ne doit pas être perçu comme une activité réservée aux grands groupes hôteliers », souligne Soihibou Hamada, vice-président du Conseil départemental en charge du développement économique. « Nous voulons que chaque Mahorais puisse participer à cette dynamique et en tirer des bénéfices. »

Les défis à relever pour une attractivité durable

Malgré ces initiatives prometteuses, plusieurs défis majeurs persistent. L’amélioration des infrastructures de base (routes, gestion des déchets, approvisionnement en eau) reste une priorité absolue. Le renforcement de la desserte aérienne, avec l’ouverture de nouvelles lignes directes depuis l’Europe et les pays voisins, constitue également un enjeu stratégique.

La formation professionnelle représente un autre défi de taille. Le territoire souffre d’un manque de personnel qualifié dans l’hôtellerie-restauration et les métiers du tourisme. Pour y remédier, un centre de formation aux métiers du tourisme devrait ouvrir ses portes à Mamoudzou en 2025, avec une capacité d’accueil de 120 étudiants.

« La qualité de service est essentielle pour fidéliser les visiteurs », explique Mariama Saïd, formatrice en hôtellerie. « Nous devons investir massivement dans la formation pour atteindre les standards internationaux tout en préservant notre identité culturelle. »

Perspectives pour 2025 et au-delà

Les projections pour les prochaines années restent prudentes mais optimistes. L’objectif fixé par les autorités est d’atteindre 80 000 visiteurs annuels d’ici 2027, avec une augmentation progressive de la durée moyenne de séjour, actuellement de 12 jours.

Plusieurs projets structurants devraient voir le jour dans les prochains mois, notamment :

  • La création d’un sentier littoral de 200 km faisant le tour de Grande-Terre
  • L’aménagement d’une marina à Mamoudzou pour développer le tourisme nautique
  • La réhabilitation du site historique de la Pointe Mahabou
  • L’ouverture d’un écolodge de luxe dans la réserve forestière des Monts Bénara

Ces initiatives s’inscrivent dans une stratégie globale visant à diversifier l’offre touristique tout en préservant les équilibres écologiques et sociaux du territoire.

Conclusion : un avenir à construire collectivement

Le tourisme à Mayotte se trouve à un moment charnière de son histoire. Si les défis sont nombreux après le passage du cyclone Chido, les opportunités de réinvention sont tout aussi importantes. La clé du succès résidera dans la capacité des acteurs locaux à travailler ensemble pour développer un modèle touristique adapté aux spécificités du territoire.

En misant sur ses atouts naturels exceptionnels, sa richesse culturelle et l’authenticité des rencontres, Mayotte peut légitimement aspirer à devenir une destination d’exception pour un tourisme responsable dans l’océan Indien. Cette ambition nécessite cependant un engagement fort de tous les acteurs et une vision à long terme qui place la durabilité au cœur des préoccupations.

Le 101ème département français a l’opportunité de tracer une voie originale, loin du tourisme de masse, en proposant des expériences authentiques à des visiteurs en quête de sens et de découvertes. C’est dans cette direction que se dessine l’avenir touristique de l’île au lagon.